Cheng Hsing-tse, condamné à mort pour meurtre en 2006 a été libéré en 2017 après avoir passé près de 15 années de sa vie en prison, à Taïwan. Ayant toujours clamé son innocence, le tribunal de Taïwan le disculpe en 2017. Il est l’exemple même de l’inefficacité, et de l’injustice de la peine capitale.
En 2019, aucun État ou gouvernement ne devrait encore détenir le pouvoir de tuer un de ses citoyens et ce, quelles qu’en soient les circonstances. “Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.”
Aujourd’hui, 146 pays ont aboli la peine de mort en droit ou en pratique et 56 pays l’autorisent, selon le rapport mondial annuel d’Amnesty International. Les pays non abolitionnistes sont de plus en plus isolés sur la scène internationale: le nombre d’exécution dans le monde a baissé de 31% depuis 2017. Si les progrès sont notables, il est important de rappeler que les droits humains de nombreux individus sont actuellement bafoués. Encore 20 pays ont procédé à des exécutions et 2531 personnes étaient condamnées à mort en 2018.
L’Afrique comme modèle du mouvement abolitionniste ?
L’Afrique est encore trop souvent perçue comme un continent aux moeurs rétrogrades, notamment en matière de droits de l’Homme. Pourtant, concernant le droit à la vie, Raphaël Chenuil-Hazan, Directeur Général d’ECPM souligne à raison que l’Afrique devient “un continent exempt de peine de mort”. Le continent africain étonne en s’engageant dans l’avancement de cette cause. En effet, 4/5ème des États africains sont abolitionnistes en droit ou en pratique. Le 7ème congrès mondial contre la peine de mort qui s’est tenu en février 2019 à Bruxelles a été l’occasion de saluer ce progrès et de rappeler que l’Afrique devrait être le prochain continent abolitionniste.
Ce mouvement du courant abolitionniste paraît s’être particulièrement formé en Afrique depuis 2016: le Congo a été suivi de la Guinée et du Kenya en 2017 puis du Burkina Faso et de la Gambie en 2018. Le 5 juin 2018, le Bénin a exclu la peine de mort de son nouveau code pénal. Des perspectives positives se profilent peu à peu. Par ailleurs, le Burkina Faso prévoit de mettre en place un référendum relatif à la suppression de la peine capitale en 2019.
“L’abolition de la peine de mort en Afrique n’est ni un rêve, ni une utopie, ni une chimère.” a introduit Aminata Niakate lors du discours d’ouverture du 3ème congrès régional africain contre la peine de mort. La dynamique africaine est un exemple à prendre, en espérant que les pays africains qui maintiennent ce châtiment le relèguent aux oubliettes dans les années à venir.
Le contexte international
Bien que les Nations Unies et les institutions européennes tentent de former des coalitions contre ce châtiment, des résistances subsistent plus étonnamment dans certains pays occidentaux. L’Asie et le Moyen-Orient sont les régions du globe où la peine de mort est excessivement appliquée. Cinq pays de ces régions sont par ailleurs en haut du classement concernant l’exécution de la peine de mort en 2018: la Chine, l’Iran, l’Arabie Saoudite, le Vietnam et l’Irak.
Les États-Unis sont l’un des 10 pays qui exécutent le plus d’individu et vont ainsi à l’encontre de la tendance abolitionniste. Sans oublier l’Europe qui n’est pas à l’abri d’un retour insensé à la barbarie, affectée par la montée des extrêmes qui prônent des mesures globalement rétrogrades et au sein desquels la peine de mort reste un sujet en débat.
Cependant, la Convention européenne des droits de l’Homme modifiée en 2002 et la Charte des droits fondamentaux interdisent formellement aux membres de l’Union européenne le recours à cette sentence.
Le 17 décembre dernier, un appel des Nations Unies est lancé pour l’instauration d’un moratoire sur la peine de mort par résolution. Bien que le nombre de pays ayant voté contre la peine de mort constitue un “record”, il demeure 35 pays en défaveur. La proposition d’un moratoire découle de l’impossibilité pour l’ONU de soumettre les États à l’abolition. Ainsi, en établir un permet la suspension provisoire de l’application d’une loi ou d’une pratique. En théorie, un retour à l’application de la loi serait alors possible bien qu’il constitue un engagement diplomatique à l’égard de la communauté internationale.
En dépit de l’existence d’un cadre juridique international, certains États n’épargnent pas des individus théoriquement protégés par le droit international au regard du champ d’application de la peine de mort. Alors même que la peine de mort ne peut être exercée qu’à l’encontre des “crimes les plus graves”, c’est-à-dire l’homicide volontaire, elle persiste encore pour des infractions mineures. Amnesty international rapporte notamment 98 exécutions liées au trafic de stupéfiants en 2018, en Chine, à Singapour, en Iran et en Arabie Saoudite ou encore des exécutions suite à des aveux sous la torture.
La France maintient irrémédiablement et fermement son opposition à la peine de mort. Depuis l’adoption de la loi dite “loi Badinter” du 9 octobre 1981, la France s’engage en faveur de l’abolition universelle notamment en poussant à l’adoption du moratoire sur la peine de mort aux côtés des Nations Unies depuis 2007. En mai dernier, le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves le Drian a réaffirmé “multiplier les démarches” afin que six djihadistes de nationalité française évitent la peine capitale prononcée contre eux en Irak.
Des milliers de personnes sont actuellement dans les couloirs de la mort : il est temps de mettre un terme à leur souffrance. Abolir une justice qui tue, comme l’Afrique s’attache à le réaliser, devrait être une priorité pour la communauté internationale. Le moratoire constitue une avancée bien qu’il ne faille pas s’en contenter. Les campagnes de sensibilisation, les coalitions internationales, l’adoption d’instruments de contrainte par la communauté internationale seront des outils utiles à l’abolition totale, universelle et définitive de la peine capitale.
Rédigé par Amandine Guérrin